Le projet de loi d’orientation et de programmation du Ministère de l’Intérieur est ouvert à la discussion au Parlement et il s’agit d’être vigilant.

Sur le plan financier nous ne pouvons qu’approuver une demande d’augmentation du budget pour la Police Nationale mais sans parler de l’idéologie qu’il sous-tend c’est sur l’emploi de l’argent que nous devons être ferme sur nos positions : c’est d’une police de proximité dont les populations ont prioritairement besoin pour que la paix et la confiance soient restaurées.

Cela demande des effectifs déjà aguerris voués à la sécurité publique, à l’élucidation des auteurs d’infractions plus qu’au maintien de l’Ordre et donc un renforcement en nombre des personnels par voie de recrutement et de formations idoines, des locaux nombreux, salubres, équipés et adaptés !

Je suis une « antiquité » Entrée dans la Police en 1971 à une époque où il n’y avait pas confusion des genres : existaient une Police urbaine en tenue pour la voie publique et une sureté urbaine composée de flics en civil pour établir les procédures judiciaires et faire les enquêtes qu’elles nécessitaient. 4 mois de formation théorique à l’école de police (ah ce Mr PARRA vantant son ouvrage … !) Mais un encadrement sans faille dans les services. On devait être promu « principal » après plusieurs années d’exercice et donc payés plus cher pour détenir et exercer les pouvoirs exorbitants d’OPJ (GAV Perquisitions …)

Quelques années plus tard les restrictions budgétaires ont commencé : le corps des enquêteurs a été créé en parallèle avec celui des gardiens. Même boulot que les inspecteurs mais payés moins. Déjà les soucis d’économies budgétaires : enquêteur = gardien de la paix = inspecteur au rabais !

Certes des services judiciaires de civils comptaient un certain nombre de « détachés » de la tenue, entendez une certaine élite, fière d’avoir été distinguée ( sinon pistonnée) Ce système pouvait entretenir le sentiment de jalousie, de discrimination dont l’administration allait vite tirer profit, sa politique stratégique consistant à monter les uns contre les autres à son seul bénéfice.

Est-ce ce sentiment de dévalorisation qui a exacerbé la rivalité tenue/civils, idiote mais persistante alors que les missions étaient différentes et tout aussi valorisantes. Toujours est-il que le climat dans un commissariat s’est encore plus tendu au fil des années, entretenu par certains syndicats « maison » bien au fait des orientations ministérielles : plus de résultats, mais à moindre coût surtout ! Et tous d’être enfumés !

Alors au fur et à mesure de l’augmentation du travail à fournir et des objectifs statistiques à réaliser les capacités d’OPJ se sont « démocratisées ? » tombant dans l’escarcelle des simples inspecteurs au prix d’une scolarité renforcée, l’ancienneté dans le grade d’inspecteur rentrant en ligne de compte de façon décroissante d’ailleurs.

Puis sautant sur la providentielle rivalité » Civils/tenue l’administration a saisi l’opportunité : vive un seul corps confondu de policiers ! Bingo ! et tous en uniforme – il faut être moderne… à l’américaine !

Je crois que la Tenue a applaudi cette réforme : fondue dans la masse enfin elle allait être bien considérée par le public ; mais elle allait vite réaliser que c’était moins jouissif d’être derrière les bécanes que dans la rue à faire patrouilles et « saute dessus » pour donner aux civils le soin de taper les procédures à la machine ! Les cadences de travail ont aussi changé, les heures se sont accumulées avec des récupérations problématiques. La charge de travail, le fonctionnement des services allaient impacter sérieusement la santé physique et mentale de bien des policiers.

D’autant que ces prétendues mais virtuelles « promotions » n’allaient pas être vraiment récompensées sur le plan financier et de la carrière tandis que l’encadrement sur le terrain se dégradait dangereusement pour les policiers et les administrés. L’administration allait demander de plus en plus de résultats quantitatifs, pas qualitatifs !

Personnellement si nous en sommes là, à ce niveau de malaise généralisé, dans le public comme dans la Police je pense que c’est à ces réformes successives mises en œuvre plus par souci d’économies que d’efficacité sans parler d’équité.

Mais attention, je ne suis pas passéiste. Des reformes répondant à l’évolution de la criminalité, de la société étaient nécessaires, indispensables mais pas au bénéfice quasi exclusif de l’administration. L’apparent « c’était mieux avant » de mon propos ne fait référence qu’à la simplicité du concept anciennement en vigueur CIVILS/TENUE avec les tâches qui incombaient subséquemment aux uns et aux autres sans exclusive d’ailleurs vu l’existence des « détachés » dont la situation pouvait apparaitre de ce fait bâtarde alors que cela soulignait l’égalité en terme de capacités personnelles.

On a bradé la Police, en effectifs, en matériel, en locaux et donc le service dû aux citoyens, dévoyé nos missions dont l’essentielle est de garantir la sécurité des citoyens, de leurs biens, de leurs rapports au monde et donc la Paix.

La dernière réforme judiciaire est une illustration frappante du principe : toujours plus mais avec moins au niveau de la Police ! Redéploiement des effectifs ça signifie déshabiller Pierre pour habiller Paul. La politique du Ministère de l’intérieur va bientôt ressembler à une partie de bonneteau : où sont les effectifs ?

D’autant qu’elle s’assortie d’une moindre garantie pour les contrevenants. Les magistrats ne s’y sont pas trompés, impactés, conscients des menaces sur leur domaine, qui alertent sur cette transformation du paysage et des pratiques judiciaires.

Il ne faut pas être les éternelles dupes ! Réfléchissons et agissons !

Avec les actifs mais aussi dans la sphère citoyenne et législative, auprès des élus.

… Et J’ai omis d’évoquer la création des polices municipales, autre vaste sujet de réflexion…nous y viendrons ultérieurement.

Annie Jouan,

Secrétaire de l’Union Fédérale des Retraités CGT-Police