Intervention CGT-Police au débat du 53e congrès confédéral
Clermont-Ferrand le, 30 mars 2023
Dans une société politiquement incertaine et socialement ruinée, les forces de sécurité, qui devraient être la base d’un grand service public au service de la population, peinent à trouver leur place au sein de la société. Pire, elles sont confrontées à des évoluons extrêmement inquiétantes.
Après les bouleversements de mai 68, la police avait retrouvé son rang, s’affranchissant de l’amalgame police-pouvoir et s’insérant au plus près des populations dans le cadre des expériences et des services de la police de proximité.
Nicolas Sarkozy y a mis fin de façon brutale, révélant ainsi sa conception autoritaire de l’usage de la police, qu’il considère comme devant relever uniquement du pouvoir et non pour répondre aux besoins de la population.
Bien sûr, au détour des attentats de 2015 un certain, mais éphémère, retour d’affection de la population pour sa police s’était fait jour, mais les pouvoirs successifs se sont appliqués à recréer un fossé entre police et population.
Aujourd’hui le renforcement d’une colère sociale profonde suite, notamment, à l’usage du 49-3 avec des millions de personnes dans la rue a mené le gouvernement actuel à aggraver la situation, en abandonnant les doctrines traditionnelles de gestion des manifestations au profit d’un tout répressif.
Une telle conception mène directement aux rejets de forces de sécurité par la population, cette dernière étant dès lors considérée comme bras armé du pouvoir politique. Cette situation est particulièrement dangereuse.
Se sentant rejetés du corpus social, certains policiers pourraient être tentés d’accepter le rôle de garde prétorienne du régime qui leur est implicitement proposé, ce qui constituerait un premier pas vers une structure politique de type totalitaire non contrôlé et incontrôlable au bout du bout.
On constate déjà que dans sa conception autoritaire de l’ordre public, Emmanuel Macron assisté de l’ineffable Darmanin multiplie les textes répressifs, essentiellement anti-manifestants, qu’il fait voter par une majorité aux ordres.
Le ministre de l’intérieur a aussi pris des disposions au niveau du ministère de la justice pour que les décisions judiciaires concernant les interpellations faites en vertu des disposions anti-manifestations qu’il a fait voter aillent dans le sens qui lui convient.
Il a ainsi multiplié les pressions sur les officiers de police judiciaire et mobilisé les plus hauts échelons de la hiérarchie judiciaire pour mettre les juridictions au garde à vous et les faire juger ainsi qu’il lui plaira. Cette négaton du principe de séparation des pouvoirs constitue un danger majeur jamais connu dans notre pays pour les libertés individuelles fondamentales.
L’équilibre républicain est fragile, et nous devons aider les policiers à résister à ces pressions.
Garants des libertés, ces mêmes policiers constituent au sein du monde du travail une catégorie de salariés parmi d’autres, avec certes ses spécificités, mais rencontrant les mêmes difficultés de vie et les mêmes difficultés professionnelles que les autres.
Leur refuser cette place dans la société au motif qu’ils exercent une profession qui les amènent parfois à s’opposer dans un cadre républicain aux autres catégories de travailleurs ne pourrait que faciliter la tâche d’un pouvoir qui rêve d’en faire un outil à son service exclusif et non plus au service de la nation, bref de transformer une police nationale en police politique.
Les écarts de conduite de certains policiers sont patents. Il n’est pas question de les couvrir et les poursuites doivent suivre leur cours. Mais pour l’immense majorité des policiers qui font leur travail avec conscience et dans le respect des lois républicaines, nous, militants syndicaux, devons être d’une extrême vigilance afin d’éviter que les pouvoirs ne se les accaparent.
Aujourd’hui, une attaque en règle de la Police Judiciaire qui vise à lui soustraire son autonomie en la plaçant sous la férule d’un directeur départemental lui même placé sous l’autorité du Préfet.
Ainsi les officiers de Police judiciaire se retrouveront de fait placés sous l’autorité du Préfet tandis que le contrôle et le pouvoir de direction des magistrats du Parquet s’amoindriront.
En effet, considérant la situation hiérarchisée des OPJ, il n’est pas douteux que le côté « administratif (Préfet et hiérarchie, qui fournissent les moyens humains et matériels aux enquêtes) supplantera sans difficulté le côté « judiciaire (magistrats) » portant ainsi une atteinte fondamentale au principe de séparation des pouvoirs. les OPJ se trouvant alors aux ordres de l’exécutif dans leur exercice judiciaire.
Rappelons que l’officier de police judiciaire, dûment habilité par le Parquet, dispose de pouvoirs lui permettant de prendre des mesures privatives de liberté. Il va de soi que le contrôle et la direction de l’exercice de ces droits attentatoires aux libertés fondamentales ne sauraient en aucun cas être laissés aux mains du pouvoir politique mais devront rester la main du magistrat judiciaire.
L’intention semble claire : l’empilement des ces réformes, sur un modèle américain vise bel et bien à faire basculer à terme notre système pénal, système inquisitoire garantissant le droit de tous, vers un système accusatoire garantissant le droit des plus riches et anéantissant l’indépendance des magistrats du siège.
le ministre de l’intérieur vise à faire passer la police judiciaire sous l’unique autorité de l’exécutif, à minimiser jusqu’à disparition de son contrôle par le pouvoir judiciaire, et à terme changer fondamentalement notre système pénal.
On ne peut qu’y voir une attaque frontale contre le principe même de séparation des pouvoirs.
A l’heure ou le gouvernement criminalise de plus en plus l’action syndicale, il est temps que notre CGT aborde ces questions qui touchent aux libertés fondamentales arrachées de hautes luttes par les travailleurs !
Enfin, je remercie l’ensemble des congressistes d’avoir pris positon pour que la CGT-Police puisse participer à notre 53éme congrès.
Merci de votre attention.