Célébration de l’héritage de Jacques Étie : un homme de valeur et de détermination dans le monde syndical

« Jacques Étié lutta avec acharnement pour préserver l’unité de l’organisation, convaincu de l’importance d’un syndicalisme de classe et de masse. »

« Il s’opposa vigoureusement aux statuts spéciaux qui privaient les policiers d’une partie de leurs droits syndicaux et de leur liberté d’expression. »

« Révoqué de juin 1950 à 1956 pour avoir signé un manifeste appelant les policiers et leurs cadres à réfléchir sur le danger d’une rupture avec la classe ouvrière, il demeura Secrétaire Général adjoint de la Fédération à la demande de ses camarades. »

« La vie militante de Jacques Étie ne se résume pas à ces étapes. Il plaida inlassablement en faveur de l’idée d’une police démocratique au service de la population et de la Nation. »

« En consacrant toute sa vie à l’activité syndicale de manière exemplaire, Jacques Étié démontra qu’il était un homme d’une grande valeur. »

« Il laisse un héritage à ceux qui lui succèdent. Tout au long de sa carrière, il a su leur montrer la voie. »

Nous avons décidé de saluer son engagement exceptionnel en attribuant son nom à notre salle de travail au sein de notre syndicat.

 

HOMMAGE A JACQUES ETIE par Claude TOULOUSE

Regrettant de ne pouvoir participer à cette cérémonie, mais étant présent par la pensée, sensible à l’hommage rendu à notre ancien secrétaire général de la FEDERATION GENERALE DES SYNDICATS DE LA POLICE NATIONALE CGT, je vous remercie de cette invitation car pour moi en me passant le témoin Jacques a été ce militant essentiel pour me permettre d’assurer la mission qui m’avait été confiée

Je m’inscris dans cette belle pensée de André MALRAUX : LE PLUS BEL ET GRAND HOMMAGE QUE L’ON PUISSE ADRESSER A NOS CHERS DISPARUS C’EST LE SOUVENIRS DES VIVANTS

Cette plaque que vous rivez dans le mur de notre siège va raviver désormais ce souvenir, nous inspirer, en nous rappelant l’homme et le militant qu’il a été.

Jacques ETIE à l’issue de la deuxième guerre mondiale avec un groupe de militants hérite de l’ancienne fédération (loi de 1901) qui avait été dissoute avec ses biens saisis par le gouvernement de VICHY puis restituée à la libération dans un triste état ; il s’agissait alors de ce pavillon construit en 1932 appelé LA MAISON DU POLICIER qu’il fera démolir plus tard pour la remplacer par une copropriété devenue le 26 rue SAINTE FELICITE (locaux que certains d’entre nous ont connus et regrettent).

BOUDE l’ancien secrétaire général de cette (ancienne)vieille organisation battra le rappel des troupes, mais ce sera une nouvelle génération avec un autre esprit qui va émerger et va prendre le pouvoir dans ce moment euphorique, plein d’espoir, de solidarité, d’unité ; la FRANCE est à genoux, tout est à reconstruire, il n’y a plus d’administration : les préfets sont remplacés par les commissaires de la république, en principe d’anciens résistants. Le général DE GAULLE va créer les comités de libération qui vont assurer l’ordre et la gestion dans les villes et les communes, ils seront influencés par les résistants FTP les plus engagés dans le combat. La police a perdu tout crédit ou presque, elle vit l’épuration et les règlements de comptes.

Dans le monde ouvrier c’est l’unité qui prédomine : la grande CGT constituée au Perreux lors d’une réunion nocturne secrète par l’union entre CGT et FO deviendra cette grande organisation syndicale, seule représentative, de plus cinq millions d’adhérents. Elle va être la grande animatrice des changements : Travailler oui mais appliquer le programme du CONSEIL NATIONAL DE LA RESISTANCE.

C’est dans cet esprit que va baigner Jacques ETIE et les siens. MARSEILLE va se distinguer avec ORSINI premier secrétaire général fédéral, CONTO, BOYER. Une compagnie de CRS est créée, elle deviendra « la crs rouge » Une question se pose à ceux qui sont déjà dans la Police ou vont y entrer : Quelle organisation doit-on construire ? De toute évidence Il n’y en a qu’une c’est la CGT, le monde du travail et les policiers c’est la même chose : c’est déjà POLICIERS/TRAVAILLEURS MËME COMBAT si cher à notre JACQUES ETIE. Ce qui lui vaudra d’ailleurs, en tant que secrétaire général des CRS une révocation de cinq ans. 

90 OOO policiers vont adhérer à la CGT mais cela ne sera pas accepté par les autorités. : La période de 1946 sera de courte durée, le ministre de l’intérieur va engager le combat répondant ainsi à des pressions extérieures, il ira même jusqu’à organiser un meeting de policiers à VERSAILLES où il interviendra pour convaincre à la dissolution contre des promesses qui aboutiront au classement en catégorie spéciale.

Notre grande CGT subira le même traitement et ce sera la scission. La crainte de voir la France tomber dans le communisme fait son œuvre. Les Etats Unis avec Mac Arthur veillent à l’empêcher.

1948 verra notre FEDERATION se disloquer, étant organisée en syndicats de catégories, partis pour la plupart en unités constituées ils vont créer l’organisation syndicale autonome. Mais la CGT dans la police ne va pas disparaître pour autant. Jacques ETIE devenu son secrétaire général, avec les siens, résistent et vont assurer la continuité de la FEDERATION préservant tous ses biens et patrimoine, dont la maison déjà évoquée. Les autonomes engageront une action en justice, mais ils seront déboutés : les juges décideront que l’organisation appartient à ceux qui y sont restés et non pas à ceux qui en sont partis !

MERCI Jacques ! le combat a été tellement difficile pour toi et tes collègues. J’exprime à tous ma profonde reconnaissance.

Mais son combat ne s’arrêtera pas là. Le premier janvier 1968 on va créer la POLICE NATONALE par la fusion de la SURETE NATIONALE ET DE LA PREFECTURE DE POLICE, ce qui va transformer notre FEDERATION en recrutant désormais certes en province mais aussi en région parisienne ce qui ne se faisait pas auparavant.

C’est ainsi que l’œuvre de Jacques ETIE va prendre d’autres formes que certains d’entre vous ont vécues. Ce renfort parisien est énorme, de nombreuses adhésions sont là. C’est à ce moment que je quitte le SGP pour rejoindre le mouvement, ayant rencontré Gérard MARECHAL à MITRY-MORY 77 délégué CGT et majoritaire. Mon avancement syndical va alors aller plus vite que celui de ma carrière…

Nous allons connaître un renforcement significatif atteignant 2 500 adhérents au congrès de la CGT en 1972. On commence à nous regarder autrement, mais Jacques ETIE jeune retraité, est inquiet ; il trouve cette jeunesse turbulente ambitieuse, dont il faudrait tempérer certaines ardeurs. Un nouveau secrétaire général a été élu, PECHIERRA, mais trop jeune il n’est pas à la hauteur des enjeux.

Il va me convoquer, m’exposer ses soucis et me demander de devenir secrétaire général en remplacement de PECHIERRA, car mon âge la quarantaine me donnait une autorité morale susceptible de canaliser tout ce petit monde. Cela m’a fait sourire mais inquiété en même temps car, sans formation préalable je ne m’estimais pas au niveau de ce qui était demandé. Mais comment échapper à la force convaincante de ce groupe de retraités. C’est donc le 1er août 1976 que je me trouve à prendre mes premières fonctions de dirigeant.

Jacques sera élu président, heureusement, car il va tout m’apprendre (CCN-UGFF-avec BIDOUZE ET HIRZBERG) j’avais avec moi cet homme, ce vieux militant si équilibrer, convaincant, bienveillant, attentif à mes immenses problèmes, disponible, qui aurait pu se moquer de moi mais était toujours là avec son expérience pour me conseiller.

Il avait cette force qui émergeait de ses convictions profondes, sans mots excessifs ni langue de bois qui vous accaparait. Respectueux de tous les collègues. Il était aussi respecté à l’extérieur. Avant ma prise de fonction l’ayant accompagné parfois notamment chez le ministre de l’intérieur j’ai pu remarquer combien il n’était certes pas adoré mais respecté dans la haute hiérarchie. J’ai vu à la sortie de la délégation le ministre le prendre par l’épaule en lui disant « alors ETIE vous allez la prendre votre retraite ?  » J’ai senti chez cette autorité politique l’estime que suscitait la défense sans compromis ni polémiques inutiles des convictions qu’il savait professer.

Apprécié, consulté au préalable, il nous fera participer comme invités d’honneur au congrès constitutif du SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE. Pour tous ces militants ce n’était pas Monsieur ETIE, mais c’était « Jacques » à l’autorité reconnue ce qui donnait une certaine aura à notre CGT.

Cela me ramène à mes souvenirs, à ce monde de juristes, si simples, partageant avec eux des débats portant sur L’ETAT DE DROIT (avec ces mesures prétendues sécuritaires mais autoritaires et injustes qui ne renforcent que le pouvoir). Plus tard on fondera le COMITE PRESSE POLICE JUSTICE AVOCAT, nous deviendrons puissants.

Mais Jacques ETIE le dirigeant était aussi un animateur heureux de voir notre syndicat certes minoritaire grandir en influence ; il va nous faire défiler pour la première fois parmi le monde revendicatif avec notre propre banderole scandant avec force : POLICIERS TRAVAILLEURS MÊME COMBAT, sous les applaudissements de la classe ouvrière. Une grande première, une reconnaissance. Un baume pour celui avait payé de cinq ans de révocation l’expression de ce crédo.

OUI ! Jacques j’ai essayé de marcher dans tes pas en essayant d’être au moins ton disciple, sans jamais t’égaler mais j’ai retenu à ton école que le monde est propriétaire d’un rêve, celui du bonheur, mais il lui manque sa conscience pour l’acquérir, alors il y a notre combat et c’est notre responsabilité.

Intervention d’André CHASSAIGNE

Monsieur le Secrétaire général, cher Anthony.

Messieurs les anciens Secrétaires généraux,

Chers amis et camarades policiers et invités.

Je voudrais d’abord vous remercier pour l’honneur que vous me faites de m’avoir associé à l’inauguration de cette salle Jacques ÉTIÉ, grande figure historique de la police républicaine, porteur de valeurs humanistes fortes et d’engagements concrets pour que notre police soit au service de la population et de la Nation.

Une police qu’il qualifiait de « démocratique » répondant aux attentes des travailleurs.

Une police qui ne soit pas en rupture avec le peuple.

Je sais par Anthony que ce sont des valeurs que porte toujours votre syndicat. Vous le faites dans des conditions certes aujourd’hui bien différentes mais qui nécessitent aussi beaucoup de conviction et de courage pour résister au rouleau compresseur d’organisations syndicales tenantes d’une approche diamétralement opposée à cette conception d’une police républicaine.

Sans vouloir trop alourdir votre cérémonie, j’ai voulu profiter de ce moment pour partager avec vous quelques positions du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR), que je préside depuis 2012, et qui réunit les 12 députés communistes et 10 députés progressistes d’outre-mer (Guyane, Réunion, Polynésie et Martinique).

Je dirai tout d’abord que l’aspiration légitime de l’ensemble de nos compatriotes est de vivre paisiblement, sans crainte de se voir soi-même ou de voir l’un de ses proches insulté, molesté ou privé du peu dont il dispose.

J’ajouterai que répondre aux inquiétudes de nos concitoyens en matière de sécurité passe indubitablement par un rétablissement du lien de confiance entre population et les forces en charge de notre sécurité, police et gendarmerie.

Or, depuis deux décennies, malgré les déclarations d’intention, on a plus souvent défait que construit en la matière.

Pour exemple, la loi « sécurité globale » de 2021 qui visait à externaliser davantage les missions de sécurité en instaurant un « continuum de sécurité » allant des policiers nationaux et gendarmes jusqu’aux agents de sécurité privée, en passant par les policiers municipaux.

Nous nous sommes opposés à cette réforme en insistant sur le fait que le périmètre, le rôle et les missions de chacun devait être précisément défini et qu’aucune confusion de compétences ne devait exister entre les différentes forces de sécurité.

Nous avons souligné la nécessité de ne pas rapprocher les missions des agents de police municipale de celles des forces nationales et de ne pas accroître les pouvoirs judiciaires des policiers municipaux. Le renforcement des polices municipales est en effet source de développement des inégalités car on ne peut pas parler de « la » police municipale mais « des » polices municipales. Nous nous sommes donc opposés à cette évolution qui engendre de fortes disparités au sein de la République.

S’agissant des agents de sécurité privée, nous avons affirmé l’indispensable régulation de ce secteur en pleine expansion. Or, qu’il s’agisse des règles de sous-traitance, des sanctions disciplinaires ou plus largement de la moralisation et de l’homogénéisation du secteur, les réponses successives n’ont pas répondu aux faiblesses structurelles existantes.

Nous pensons qu’il est nécessaire de bien articuler entre elles les relations et les missions de terrain des forces de sécurité de l’État, des policiers municipaux et enfin des agents privés de sécurité pour qu’il n’y ait pas confusion de compétences entre ces différentes forces. Certes, l’État ne dispose plus du monopole de la sécurité, mais la sécurité doit cependant rester une prérogative régalienne. C’est pourquoi nous avons toujours réaffirmé solennellement notre attachement à la police républicaine, une police au service de tous les citoyens, qui leur assure une protection égale sur l’ensemble du territoire de la République.

Réaffirmer que l’État est le garant de la sécurité sur l’ensemble du territoire de la République, une et indivisible, c’est se prémunir contre les disparités, la coexistence entre une sécurité pour les riches et une sécurité pour les pauvres. Ce n’est pas une simple formule quand on sait que, dans un département comme la Seine-Saint-Denis, un officier de police judiciaire suit déjà en moyenne 300 dossiers alors que son collègue de la ville de Paris n’en suit, lui, que 80.

C’est aussi une question d’efficacité : dans le contexte de nouvelles menaces terroristes mais aussi d’une crise sociale aggravée, l’État de droit et son autorité doivent être confortés.

Nous insistons toujours aussi sur la nécessité de tirer les conséquences des errements de la politique conduite depuis 2002 et de l’abandon de la police de proximité, à l’origine des graves dysfonctionnements que nous constatons jour après jour.

Notre conviction est qu’il faut rebâtir une police de proximité qui est un gage d’efficacité, tant en matière de prévention, de dissuasion que de renseignement. Elle permettrait également de rétablir le lien de confiance entre les forces publiques et la population, indispensable pour articuler plus efficacement les mesures de prévention et celles de répression.

Un point enfin sur la gestion du maintien de l’ordre. Pour nous, cette gestion doit permettre l’exercice de libertés publiques, mais toujours dans le respect de l’ordre public. Elle nécessite un strict équilibre entre ces deux exigences. Or, ces dernières années, la multiplication des violences lors des manifestations atteste du bouleversement de cet équilibre.

Dans des conditions d’extrêmes tensions, alors que les policiers sont débordés, épuisés, il devient habituel que le gouvernement rompe avec la doctrine française du maintien de l’ordre qui repose sur l’absolue nécessité de l’usage de la force avec une réponse proportionnée à la menace.

Quand le ministre de l’intérieur mobilise des policiers en moto, voire même durant la crise des gilets jaunes des blindés qui ont servi pendant la guerre du Kosovo, il ne brise pas la spirale de la violence. Bien au contraire il l’aggrave.

Il est temps, selon nous, de sortir d’une gestion frontale du maintien de l’ordre et d’adopter une stratégie du maintien de l’ordre plus protectrice des libertés, plus apaisée… tout en gardant à l’esprit qu’il y a deux côtés de la barricade.

Cela implique donc de sanctionner davantage les menaces ou les violences à l’égard des détenteurs de l’autorité publique – les policiers, en premier lieu bien sûr, mais on pourrait aussi citer les enseignants ou encore les gardiens d’immeubles.

N’ayant pas soumis ces propos à la censure de mon ami Anthony, j’espère que les orientations que je vous ai présentées en toute transparence ne sont pas trop en décalage avec ce que vous portez…et surtout qu’elles ne trahissent pas l’héritage de votre camarade syndicaliste Jacques ÉTIÉ, qui était aussi mon camarade par son engagement au Parti Communiste.

Faut-il rappeler que pendant des décennies, le PCF a édité « Police et Nation » bulletin des communistes de la police. Aussi, je voudrais pour terminer vous lire un texte écrit dans ce bulletin, en février 1977, par Louis Baillot, député communiste chargé des questions de sécurité : « Dans la France en crise, la violence, les brimades marquent les rapports humains, les scandales sont légion, la pornographie est devenue affaire commerciale, la criminalité se développe. La crise économique et sociale est génératrice de délinquance et de criminalité. L’existence, d’un côté de la pauvreté qui se développe, et de l’autre, d’un luxe insolent, renforce chez les jeunes notamment, un profond sentiment d’injustice sociale que les groupes gauchistes et anarchisants utilisent pour organiser des opérations de vandalisme ou de violence, afin de régler les comptes avec une société qu’ils rejettent ».

Fabien Roussel m’a demandé hier de vous transmettre son soutien et son amitié, me disant même que notre Parti travaille actuellement à la relance de ce journal.

Encore une fois merci pour cette invitation et votre écoute.